En 1940, la province impose à Montréal un régime politique fortement empreint d’esprit corporatiste. Dorénavant, le Conseil municipal regroupe quatre-vingt-dix-neuf conseillers, répartis en trois catégories égales en nombre : les conseillers de classe A, élus par les propriétaires; ceux de la classe B, choisis conjointement par les propriétaires et les locataires; les délégués de la classe C, nommés par treize associations et organismes montréalais. La Ville est maintenant découpée en onze districts électoraux, lesquels élisent respectivement six conseillers municipaux. Par la suite, chacune des classes désigne deux représentants pour former le Comité exécutif.
La complexité de ce régime décourage la participation électorale, qui chute radicalement. Pourtant, aux cours des années 1920 et 1930, bon an mal an, cinquante pour cent des électeurs exerçaient leur droit de vote. Au milieu des années 30, on enregistre même un taux de participation de quatorze points supérieurs à la moyenne, un record dans l’histoire politique de Montréal au XXe siècle. Aux élections de 1940 et 1942, c’est la dégringolade : seulement trente pour cent iront voter la première année; vingt-deux pour cent, un an plus tard.
En 1944, le taux de participation fait un bond spectaculaire : quarante-sept pour cent des électeurs se présentent aux urnes. La rentrée de Camillien Houde explique cette remontée impressionnante. Il faut savoir qu’en 1940, l’homme politique avait fait un geste d’éclat en s’opposant ouvertement à la conscription décrétée par le gouvernement fédéral. Contrevenant ainsi à la Loi des mesures de guerre, il est arrêté le 5 août par la police fédérale. Interné pendant quatre ans au camp militaire de Petawawa en Ontario, il est ensuite transféré à Fredericton, au Nouveau-Brunswick.
Le 16 août 1944, les Montréalais soulignent chaleureusement son retour. Réélu à la mairie le 11 décembre, Camillien Houde conservera son poste jusqu’en 1954.